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NJEL BA TADA
22 mai 2011

RITE DE PASSAGE

DSCN0964Même en période de grande sécheresse, une épaisse nappe de nuage se dresse en barrière infranchissable, empêchant toute personne d'apercevoir les moindres cimes des plus hauts arbres de ces lieux insondables du village. Ce sont des vallées mystérieuses dédiées aux esprits qui protègent le clan.

 Toute personne qui rend l'âme dans la communauté n'est pas morte. Elle voit, marche et parle. Elle vit au quotidien dans la famille. Elle est simplement passée à un autre stade qui lui confère le pouvoir de protéger et de corriger les indisciplinés vis à vis de leurs aînés, du clan, des ancêtres et des dieux. Seule paradoxe, elle se reposera dans la vallée tout en veillant sur les visibles jusqu'aux insondables profondeurs des nuits des temps futurs. Mais pourquoi avoir peur de l'un des leurs qui ne fait que les protéger tout en se reposant?

 Dès la première nuit suivant le décès, seul le corps du défunt et celle qui aura été son épouse devront séjourner entre les quatre mûrs de  la case. Cette dernière, une minuscule toile à la main, éloignera d’un geste doux mais ferme le moindre corps se posant sur la dépouille du père de ses enfants. Tous les autres occupants habituels attendront la suite des événements dans la cour, à la belle étoile où l'ensemble du village se joindra à eux dans les pleurs, les chants, les rites et les incantations magiques propres aux circonstances, assis à même le sol.

 Derrière DISSOUCK, à la lisière des premières cases et des champs, coule, imperturbable, une rivière tranquille. Elle apporte autant de nouvelles qu'elle en emporte. Son principal affluent est un ruisseau aux eaux claires et limpides qui prend sa source à ciel ouvert, au cœur d'un rocher taillé par endroits selon les caprices de mère nature.

Au pied de cette source, véritable bouquet des cieux, l'on est tout de suite frappé par un vent doux et bienfaisant qui passe son chemin, rendant son plein écho au-delà de mille lieux. On n'en interdit l'accès à personne, fusse t - on indésirable au sein de la communauté ou étranger ! L'eau est pour tous, c'est un don des cieux. Tout en son fond, de luisants et resplendissants cailloux mille fois taillés et polis au gré de leur parcours s'entrechoquent, émettant un bruit à peine audible, comme celui de minuscules coquillages cherchant chacun à passer à la surface du panier du pêcheur.

C'est par cette rivière que YOHA était entré dans le village. Epuisé par le long voyage, il s'y était arrêté et lavé un pied, puis l'autre ; enfin les mains et le visage comme pour abandonner là à sa berge la poussière de sa route, la malchance et la faim, à la manière du reptile qui au soleil, se libère des écailles de ses vieux jour.

Toutes ces déconvenues qui s'étaient attachées au jeune homme sur un très long trajet déjà devaient s'achever là. Dans ce geste plus que symbolique,  peut - être avait-il été écouté par un bienfaiteur invisible qui en secret partageait ses souffrances, attendant le moment propice pour le libérer de ses habitudes du malheur. Un œil attentif, un cœur miséricordieux, un secours inattendu, une âme charitable ou une main fraternelle auraient-ils entendu le gémissement des abris de ses entrailles ?

 Très vite, comme si l'on l'entendait, il fut aussitôt accueilli et protégé. Il avait, un laps de temps, ressenti comme un apaisement qui remplit l'esprit d'un croyant, quel que fussent ses convictions dans le bien que procure son culte; Une onde vague de tranquillité qui s'empare d'un corps et le décharge d'un lourd fardeau dont il était désespérément chargé. Chez certaines peuplades, un animal significatif est alors sacrifié aux dieux ou à UN SEUL.

 A vrai dire, YOHA n'est pas le premier passant à s'arrêter un jour ou deux dans la clairière. Plusieurs y sont passés avant lui. Et chacun, à la manière de ces intempéries qui s'attaquent à la roche pour ne laisser voir leurs méfaits que des siècles plus tard, a touché la DISSOUCK profonde. Tous y ont laissé ce genre troubleurs  d'hommes, de femmes et d'enfants venus d'ailleurs, portant sur leur visage la trace commune à ceux qui recherchent un lieu nouveau d'attache, comme si une soudaine et terrible calamité avait donné un brusque coup d'arrêt à leur monotone vie.

 Une valise en rotin sur la tête, une autre charge faite de vieux tissus pendant sur le dos, souvent même un enfant ou deux accrochés aux bras et des sandales tout aussi poussiéreuses et fatiguées que leurs porteurs, ils s'arrêtent tous devant ces eaux silencieuses, résignées à tout accepter sans jamais broncher, qui traînent leur cours à travers la clairière, ces eaux aux multiples bienfaits dont étrangers et autochtones se délectent et se consolent. Un don est toujours le bienvenu ; mais celui des dieux demeurera à jamais précieux.

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