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NJEL BA TADA
28 juillet 2011

"NLOO NJEL" 8

C’est l’heure du repas chez ceux qui ont oublié comment laisser la part qui revient aux ancêtres, là part 174493_100000154510824_4945725_qterre et du bout des doigts experts. Non qu’ils soient encore parmi nous ; Nul ne sait d’ailleurs ? N’en soyons pas pressés. Mais le plus embêtant, c’est que de tous ceux qui partent tant sous ces enflammées oraisons qui les installent directement à la droite du leur père céleste sans regard sur leur passé terrestre,  qu’accompagnés par des chants de bravoure  de ce village ou de celui-là, personne ne revient un soir ou un matin, juste pour nous dire comment se mène  sa nouvelle vie là si loin et si près à la fois. Personne. Même pas une lettre, un message, une voix ! Ils partent, nous pleurons ces êtres chers qui ne revendront jamais, mais nous sommes en même temps heureux de les savoir heureux là où bien heureusement, nous ne voudrons pas vite nous rendre à notre tour.

Comment se fait-il que ce qui est devenu imposture chez ces peuples soit réalité lorsque venue d’ailleurs ! Des esprits qui prennent la place d’autres. Les derniers esprits sanctifiés, les premiers ceux de leurs ancêtres rendus en enfer ! Oh, pas tous. Seulement ceux des villages très éloignés. Moins on est loin, plus on est bon. Et dans la maison, interdit de parler en mal d’un seul défunt, tous étaient « la bonté rendue humain ».

On les attend, les uns et les autres. Regroupés un jour dans un enclos par la volonté du même divin dont ils parlent, chacun à sa manière, il faudra qu’ils nous disent enfin, ces vendeurs de joie et d’espoir de là-bas et d’ici comment ils transforment les parents des uns et des autres tantôt en anges, tantôt en démons selon qu’ils appartiennent à un groupe ou à l’autre.

Le repas, revenons-y, il ne doit refroidir ! A un enfant de la maison que l’on entraîne au piano, il revient l’honneur d’accompagner en notes de musique, le chant de louange qui a remplacé cette part pour les chers disparus. On écoute sans regarder les doigts qui se promènent ici et là sans se soucier du bon placement sur le clavier.  Une dizaine de secondes suffisent, tout le monde s’impatiente :

  Toi qui disposes

De toutes choses

Et nous les donnes

Chaque jour,

 

Reçois ô Père

Notre prière

De reconnaissance

Et d'amour.

Ça sent bon ici. Un mélange de parfum de fleurs entrant par la fenêtre entrouverte, le beau linge et le fumet de gibier qui vient d'être servi.

D'habitude, ils sont sept à se retrouver au même moment de la soirée dans cette salle carrelée en noire et blanc : Le Maître des lieux, son épouse, leurs deux fillettes de cinq et dix huit mois, un jeune homme parent éloigné de madame que les bons petits plats ont apprivoisé, ainsi que deux jeunes filles, nièce de Monsieur pour l'une et sœur de madame pour l'autre. Elles dorment dans la demeure et travaillent dans les bureaux situés en contre bas. YOHA aura le huitième couvert.

Le jeune apprivoisé est assis à côté de YOHA, penché sur son assiette remplie à ras bord pour le premier service, une serviette nouée autour du cou. Bien plus âgé que madame, il a mené une vie de débauche pleine de duels et de femmes qui ont dévoré toute sa fortune et effrayé sa famille. Le domestique, derrière le maître de maison désigne tout bas dans l'oreille de ce dernier les plats qu'ils pointent du doigt en bégayant.  Sans cesse, les yeux de YOHA vont et reviennent de même sur son voisin play-boy vif d'apparence mais affaibli par sa bruyante vie comme quelque chose d'extraordinaire et d'auguste.

On sert d'abord un jus d'orange que YOHA s'empresse d'avaler. Le liquide  lui fait un nœud au fond de la gorge et lui arrache un frisson. Il n'a jamais rien bu d'aussi froid. Son verre à la main il se tourne vers le domestique qui lui lance d'un air moqueur : "Il sort du frizidère Missié"                          

L'extrême civilité dans laquelle se déroule le repas impose d'elle-même le silence. Une sorte de recueillement involontaire dans lequel cuillères et fourchettes brisent le vide de leurs sonorités joyeuses. Tout le monde se tient comme solidaire dans ce moment de réjouissances. Les regards se croisent, fulminent, se retournent, s'épient amicalement dans la complicité absente du langage parlé. Les derniers oiseaux du soir, témoins distraits piaillent dehors, comme si de temps en temps ils réclamaient à qui auraient les restes. Ce silence n'est pas contrainte. Il ne relève pas d'une loi écrite, il est inscrit, comme qui disait dans la conscience. C'est même le gage de l'africanité. Il a une signification, une tradition et chacun sait que le mérite serait au plus courageux qui le briserait.

Quelles que soient les raisons qui vous poussent au voyage, lorsqu'on a choisi la route et les contrées nouvelles, il est vous est important de vous familiariser avec des coutumes et des aliments différents et de ne pas avoir de préjugés à leur égard. Voulez-vous goûter une viande de singe cuite à la sauce de noix de palme? Ou peut-être au KONDRE (ragoût de bananes plantain et viande de chèvre)? Au THIEBOU DJEN? A l’AGBLO? A la délicieuse boisson NJINJA? À moins que vous ne préfériez des feuilles de manioc accommodées avec des oignons et du poisson séché ou un bon (plat de poisson à la sauce noire ) MBÔNGÔÔ TJOBI ? À vrai dire, la plupart des aliments ne sont pas aussi exotiques. L'Afrique toute entière est connue dans le monde pour la saveur et la variété de ses plats. Un plat courant ici à NKONDJOCK s’appelle le KOKI. Il se compose de pâte de haricot mélangée à l'huile de palme assaisonnée de sel et de piment, cuite ensuite pendant de nombreuses heures dans des feuilles de bananier. Le KOKI s'accompagne de tubercules de manioc ou de bananes douces non portées à maturité.

Certains européens qui viennent vivre sur le continent africain pensent avec nostalgie aux prunes, aux abricots, aux framboises, aux cerises et aux autres produits des climats tempérés. Mais quand ils retournent dans leur pays d’origine, ils se souviennent avec la même nostalgie des ananas frais et sucrés, de l’abondance de papayes roses et orange, des mangues juteuses, des avocats à la chair onctueuse et de la variété de légumes qui poussent tout au long de l’année.

Madame n'a presque pas mangé. Elle a prétexté la protection de sa ligne pour n'avaler que quelques cuillerées d'une soupe de poisson achetée en boîte,  réchauffée au bain-marie et un verre d'eau minérale de marque européenne qu'elle est seule à boire en permanence. Peut-être veut-elle seulement voir la peau de son ventre lui coller à la colonne vertébrale ! Elle est déjà si fine. C'est une grande femme à l'allure nonchalante. Lorsqu'elle traverse le village à pied pour se rendre chez l'épouse du sous-préfet, tout le monde sur son chemin la regarde discrètement du fond des masures en terres battues et sans fenêtres. Elle ne ressemble à aucune de ces autres femmes bien en chair ici. Cette créature au postérieur aplati et à la maigre poitrine qui a pendant longtemps nourri son bébé au lait de vache acheté chez l'unique boutiquier du village. Elle marche si lentement que le temps même s'arrête sur son passage. En ceci et sûrement aussi à sa voix chantante ainsi qu'à la blancheur de ses dents, la grandeur de son cœur et sa peau de velours version ébène,  elle est vraiment la fille du pays.

Elle n'a pas porté le moindre regard sur la soupière pleine à ras bord d'une délicieuse sauce de noix de palme dans laquelle baignent de bien gros morceaux de viande d'un singe abattu le matin même d'une balle en pleine poitrine dans le petit bois tout à côté de la maison ; Elle a aussi repoussé du revers de la main les bananes plantain,  longuement cuites dans le jus de l'animal que la maisonnée avale avec appétit. Ses yeux relevés se fixent de temps en temps sous le plafond suspendu de ses lourdes décorations au-dessus de sa coiffure de longues nattes. Si madame ne consomme ni singe ni serpent, elle raffole de lait fermenté et séché qu'elle appelle fromage, des filets de viande de bœuf à peine cuite sans huile sur une casserole non attachante et des grenouilles; enfin… les cuisses seulement.

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