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NJEL BA TADA
2 août 2011

NLOO NJEL 9

Ce chemin, les vieux du village ne l'aiment pas, mais ils n'y peuvent rien. Une de ses parties meurt de ce côté de la rivière, 174493_100000154510824_4945725_ql'autre naît de celui là, le leur, ils l'aiment tant. La seule chose à laquelle ils s'attaquent quelques fois pour ralentir le flux des venants et partants (les LI BII comme ils les appellent), est le tronc qui sert de passerelle à cet endroit de la rivière, laquelle l'on emprunte que par temps de grandes crues, tant le plaisir de se mouiller les extrémités après un long parcours est grand.

C'est un énorme tronc de BIBOLO solidement enfoncé aux deux berges. Il avait été traîné jusque là à bras d'hommes. Aujourd'hui, il semble dire à ces mêmes hommes - le tronc et non le chemin - qu'ailleurs il existe bel et bien des peuples pas tout à fait comme le leur, mais qui produisent aussi bien des scènes d'amour, de tendresse, de joie et de haine ; des personnes qui connaissent aussi la douleur et la vanité des choses, le vide et la lâcheté de l'exploit. Mais il ne faut pas le dire ici, c'est péché. Dites-leur plutôt que le sang royal coule dans leurs veines, qu’ils n’ont que de sages et beaux enfants ; bref, qu’ils sont les maîtres absolus du centre de la terre.

 Avec ces jeunes qui observent tout sans jamais rien faire paraître, on se pose beaucoup de questions. Leur mutisme paraît dangereux et nous rencontrons à leur regard furtif la charge inavouable de demander, la volonté inébranlable de savoir, la passion inextinguible de s'ouvrir et dire, la vacuité des pensées qui éludent volontiers toute question ayant trait aux enjeux souterrains de la tradition. Mais qu'y pouvons-nous ? Nous devons vivre en songeant chaque jour à leur devenir, aux lendemains de ces cœurs pleins de désir héroïques, féconds en rêves brillants d'actions, vivre en ayant présent à l’esprit qu’ils prendront un jour la place et le rôle qu’ils envient à leurs aînés.

 Dans ces tribus de la côte, l'adolescent est pris avec beaucoup de précautions. Comment, disent les ancêtres, pourrait-il en être autrement ? C'est la jeunesse, soupirent-ils, qui est le gage de la continuité, le garant de la tradition, le sel de la postérité.

Lorsque le vieillard aura passé autant de jours que lui auront réservé les dieux et les ancêtres, quand sa course à travers les étendues lui aura permis de découvrir toutes les limites de l'univers mises à sa disposition et sondé toutes ces faces cachées des profondeurs de la terre jusqu'aux couchettes du firmament, et que, déposant avec tremblement mais sans regret ni convoitise le manteau de la vie au passage de ceux qui prendront sa suite, lorsque ses aïeux auront décidé de lui faire entendre leur appel pour la forêt toujours couverte d'épais brouillard, il s'en ira dans la vallée, le cœur chargé d'orgueil, sûr qu'à travers la jeunesse, les générations suivantes continueront à faire briller le flambeau de la tribu. Conscient de leur départ d'un jour à l'autre, ils commencent petit à petit à transmettre la tradition.

 Le chasseur explique le mystère de la lance qui atteint l'animal et le soumet, le forgeron, l'art du métal ; le bûcheron raconte l'histoire du grand arbre qui retrouvait toutes ses écorces après une harassante journée de travail de ses abatteurs, pour enfin donner l'astuce. De l'autre côté, sous un étrange plafond constitué de  tête de gros poissons noircies à la suie du feu de bois, le vieux pêcheur apprend à son fils à parler aux forces de l'eau et à poser les nasses aux points les plus poissonneux de la rivière. Puisque la femme donne la vie, il est normal que sa fille apprenne à la protéger et l’entretenir. Dans un futur proche, elle aura, au retour du champ, son propre bébé attaché sur le dos par temps de pluie ou de grande chaleur, un panier de provisions et de bois mort placé en équilibre sur la tête.

 Quel bonheur pour ces crânes chauves et ces femmes à la poitrine tombante de savoir qu'ils ont eu une existence pleine ! Quelle paix intérieure semble se dégager de ces corps dégarnis, si forts pourtant et étonnants de vivacité! Ils connaissent peut-être la vérité dans leur for intérieur mais ils n'osent faire mentir les légendes et les traditions ; ils ne mourront pas, ils iront plutôt prendre place à l'olympe, en compagnie de ceux qui les ont précédés, à jamais au service de ceux qui viendront après eux et à qui aujourd'hui ils confient les hautes affaires du clan avec autorité.

 Ce sont ces adolescents qui introduiront les noms de leurs aînés dans les contes de la généalogie, les immortalisant, chantant à tous leurs exploits et leur donnant une place grandissante en vénération au sein de la tribu. Ils seront le socle identitaire qui lie les visibles à ceux qui habitent la vallée profonde, dans leur repos méritoire en une infinie confession avec les mânes et les anges protecteurs.

 " Ceux qui sont partis reviennent chaque fois qu'on le leur demande, mais il ne faut pas trop en faire". Ils viennent bénir, aplanir les voies, guider les égarés, consoler les opprimés. Ils vivent, semble t- il, dans la béatitude éternelle et la joie ineffable qui se gagne en un soupir universel commun, une harmonie délectable et perpétuelle, abondante et vrai. Mais cela, jamais personne n'est revenu le confirmer.

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